JOUR D'APPARTEMENT
Au retour de la Cour, du château de Fontainebleau au château de Versailles, 16 novembre 1682, Louis XIV instaure des divertissements pour chacun des jours de la semaine :
Vers 16 heures, Louis XIV et Monseigneur se présentent à l’Appartement. Louis XIV y reste jusqu’à 18 heures – 19 heures. Monseigneur y reste à jouer jusqu’au souper qui est servi après.
Quand Monseigneur est absent de Versailles, il n’y a pas de soirée d’appartement.
Lorsqu’il n’y a pas de « jour d’appartement », de 20 heures à 22 heures, Louis XIV passe, ce temps, chez Mme de Maintenon, puis va souper chez Mme la Dauphine.
Un jour où Louis XIV avait souffert plus que d’habitude, Mme la Dauphine lui demande de ne pas tenir « d’appartement », ce soir-là. Elle lui dit « qu’elle était incapable de danser en songeant à l’état où il se trouvait ». Louis XIV lui répond « Madame, je veux qu’il y ait appartement et que vous y dansiez. Nous ne sommes pas comme les particuliers ; nous nous devons tout entier au public ; allez et faites la chose de bonne grâce », et fait surveiller sa belle-fille toute la soirée par la maréchale de Rochefort, sa première dame d’atours.
A partir des années 1690, Louis XIV ne participe plus aux « jours d’appartement » ou très rarement. Néanmoins, il s’enquiert de la présence des courtisans.
Le jour d’appartement peut se tenir aussi dans les autres demeures royales.
A 22 heures, Louis XIV va souper au Grand Couvert.
- Lundi, mercredi et jeudi sont destinés au jeu. Ces trois jours sont dénommés « Jour d’Appartement »,
- Le dimanche, le mardi et vendredi sont destinés au bal et comédie française ou italienne,
- Le samedi est destiné à l’opéra.
Vers 16 heures, Louis XIV et Monseigneur se présentent à l’Appartement. Louis XIV y reste jusqu’à 18 heures – 19 heures. Monseigneur y reste à jouer jusqu’au souper qui est servi après.
Quand Monseigneur est absent de Versailles, il n’y a pas de soirée d’appartement.
Lorsqu’il n’y a pas de « jour d’appartement », de 20 heures à 22 heures, Louis XIV passe, ce temps, chez Mme de Maintenon, puis va souper chez Mme la Dauphine.
Un jour où Louis XIV avait souffert plus que d’habitude, Mme la Dauphine lui demande de ne pas tenir « d’appartement », ce soir-là. Elle lui dit « qu’elle était incapable de danser en songeant à l’état où il se trouvait ». Louis XIV lui répond « Madame, je veux qu’il y ait appartement et que vous y dansiez. Nous ne sommes pas comme les particuliers ; nous nous devons tout entier au public ; allez et faites la chose de bonne grâce », et fait surveiller sa belle-fille toute la soirée par la maréchale de Rochefort, sa première dame d’atours.
A partir des années 1690, Louis XIV ne participe plus aux « jours d’appartement » ou très rarement. Néanmoins, il s’enquiert de la présence des courtisans.
Le jour d’appartement peut se tenir aussi dans les autres demeures royales.
A 22 heures, Louis XIV va souper au Grand Couvert.
Affectations des salons du Grand Appartement
- Salon de l’Abondance : salle de 3 buffets (boissons chaudes et rafraichissements et sorbets)
- Salon de Vénus : salle de la collation (pâte de fruits, confitures sèches, fruits crus, oranges et citrons disposés en pyramide),
- Salon de Diane : salle de billard,
- Salon de Mars : salon de jeux, de bals et de concerts,
- Salon de Mercure : jeu du Roi et de la Famille Royale,
- Salon d’Apollon : salon de musique et de danse.
Décembre 1682 - Mercure de France
Les divertissements, que le Roi donne, commencent par le bout de la galerie (salon de la Paix), qui n’est pas encore découvert, parce que la peinture et les ornements qui doivent l’accompagner ne sont pas achevés. Vingt-six lustres de cristal, et seize chandeliers d’argent éclairent cet endroit.
On y voit un billard accompagné de vingt-quatre formes de velours vert à frange d’or.
On passe ensuite dans le bout de la galerie qui est découvert, parce qu’il est achevé. Ce que l’on voit fait assez juger quel sera ce merveilleux ouvrage où M. Le Brun peint dans la voûte de l’Histoire du Roi. Des glaces font de fausses fenêtres vis-à-vis des véritables, et multiplient un million de fois cette galerie, qui paraît n’avoir pas de fin.
Huit brancards d’argent portant des girandoles font entre quatre caisses d’orangers d’argent portés par des bases de même métal, et garnissent l’entre-deux des fenêtres ; et huit vases d’argent accompagnent les brancards qui sont aux côtés des portes. Quatre torchères dorées portent dans les angles de grands chandeliers d’argent. Huit girandoles d’argent sont sur des guéridons dorés, posées au milieu des fenêtres de glace. Aux bouts pendent deux lustres d’argent à 8 branches. Les tabourets sont de velours vert, entouré d’une bande de brocard d’or, avec une frange de même.
Le salon (salon de la Guerre), qui suit la galerie, est de marbre enrichi de trophées en relief doré. Le Roi à cheval, grand comme le naturel, est en relief sur la cheminée. Huit grands brancards d’argent portent des chandeliers de deux pieds. Deux vases, de même hauteur, accompagnent chaque brancard, et garnissent les entre-deux des fenêtres et des portes. On voit dans les angles des vases d’argent posés sur quatre guéridons or et azur. Un grand chandelier d’argent, à huit branches, pend au milieu de ce salon ; et au-dessous, il y a un foyer d’argent de deux pieds de haut, sur trois et demis de diamètre.
De ce salon, on entre dans la Chambre du Trône (salon d’Apollon), dont la tapisserie est d’un velours cramoisi, enrichi d’un gros galon d’or. La table, les guéridons, la garniture de cheminée et le lustre sont d’argent. Au fond de la chambre s’élève une estrade couverte d’un tapis perse à fonds d’or, d’une richesse et d’un travail particulier. Un Trône d’argent, de huit pieds de haut, est au milieu. Quatre enfants, portant des corbeilles de fleurs, soutiennent le siège et le dossier, qui sont garnis de velours cramoisi, avec une campane d’or en relief. Sur le haut du ceintre qui forme le dossier, Apollon est en pied, ayant une couronne de lauriers sur la tête et tenant sa lyre. La Justice et la Force sont assises. Le dais est de même que la tapisserie. Aux deux côtés du Trône, sur l’estrade, deux scabellons d’argent portent des carreaux aussi de velours. Aux deux angles sont posés des torchères de huit pieds de haut. Quatre girandoles, portées par des guéridons d’argent de six pieds de haut, parent les quatre coins de la Chambre. Un « David » du Dominicain est à la droite du Trône. On voit à la gauche un Thomiris qui trempe la tête de Cyrus dans le sang. Elle peinte par Rubens. Dans les côtés, on a mis quatre grands tableaux de Guide, des Travaux d’Hercule, Apollon est, dans le milieu du plafond, entouré des Saisons et des Mois. Quatre tableaux cintrés par le haut accompagnent le rond. Sur les portes sont deux tableaux du Van Dick, l’un représente le Prince Palatin et son frère ; et l’autre, une vierge, un David, et une Magdeleine. C’est dans cette Chambre que le Roi donne audience aux ambassadeurs. Elle est destinée pour la musique et pour la danse, dans les trois jours qui sont nommés « jour d’Appartement ».
Après la Chambre du Trône, on voit celle de Mercure (salon de Mercure) où est le lit. Ce dieu paraît au haut du plafond dans un char trainé par des coqs. La tapisserie est pareil à celle de la Chambre du Trône. Le lit de même étoffe et de même est entouré d’une grande campane d’or en relief, et doublé d’or plein. Quatre pommes blanches et couleur de feu, garnies de grandes aigrettes blanches, sont au-dessus des piliers. Les fauteuils, les tabourets, les pores et les paravents sont comme la tapisserie. Une Assomption et un Saint-Sébastien, d’Annibal Carrache, parent le fond de l’alcôve. Au côté droit prend une musique de Dominiquain, et au gauche une Vierge du Titien. Sur les portes, on voit deux portraits de Van Dick. Une balustrade d’argent sur laquelle posent huit chandeliers de même matière entourent l’estrade, qui est de marqueterie. Deux scabelons d’argent portent, dans les angles, deux cassolettes. Quatre bassins d’argent, avec des bassins, portent aux côtés de la cheminée, et à l’opposé des vases de deux pieds et demi. Deux chenets d’argent parent le foyer. La corniche de la cheminée est enrichie de vases, et de cassolettes de même matière. Un très grand lustre d’argent à six branches, portant chacune trois bougies, pend au milieu de la chambre. Entre les fenêtres, au-dessus d’une grande table, on voit un miroir. La table est garnie d’une grande corbeille et quatre chandeliers, deux grands et deux petits. Aux deux côtés sont des girandoles à sept branches, portées par des guéridons, posés sur des brancards ; le tout d’argent. Une table pentagone, une carrée et une en triangle sont dans le long de la chambre et servent pour le jeu du Roi, de la Reine et de la Maison Royale ; quoique ces tables soient marquées pour eux, ils ont la bonté de se mêler avec tous ceux qui jouent dans les chambres suivantes.
Après la chambre de Mercure, on trouve celle de Mars (salon de Mars), choisie pour l’assemblée des joueurs. Six portraits du Titien sont sur les quatre portes, et sur deux cabinets de marqueterie. Six groupes de figures d’argent, quatre statues, et quatre Buires de même métal ornent les deux cabinets. Deux cuvettes d’argent en ovale portent des vases et quatre sceaux les accompagnent. Quatre grands buires sont aux angles, et deux grands lustres, le tout en argent, pendent aux deux bouts de la chambre. Deux grands miroirs, avec des bordures d’argent à cartouche, sont au-dessus de deux tables, sur lesquelles posent deux grandes corbeilles, quatre grands chandeliers et quatre petits aussi d’argent ainsi que les tables. Des girandoles portées par quatre guéridons de même richesse accompagnent ces deux tables, et parent les entre-deux des fenêtres. Des chenets et des vases d’argent ornent la cheminée ; au-dessus de laquelle on voit un tableau de Paul Véronèse, représentant la Sainte-Famille. Au côté droit est un grand tableau où Paul Véronèse a peint Notre Seigneur avec des pèlerins d’Emmaüs. De l’autre côté, on voit la famille de Darius aux pieds d’Alexandre, tableau de M. Le Brun. Un trou-madame de marqueterie, posé sur une table de velours vert, entouré de pentes de velours cramoisi à frange d’or, est au milieu de la chambre. Une table carrée, quatre en triangle et six à pans sont autour. Elles sont couvertes de velours vert, galonné d’or et garnies de flambeaux d’argent à tous les angles posés sur de petits guéridons. On jour sur ces tables de jeux de cartes, ainsi qu’à divers jeux de hasard. La bassette et le hoca en sont bannis, la prudence du Roi l’ayant ainsi jugé à propos pour le bien de ses sujets. On voit encore dans la même chambre des tables pour plusieurs autres jeux nouvellement inventés, et qui selon toutes les apparences n’ont pas de quoi engager les joueurs à se servir d’une adresse qui n’est pas permise pour gagner.
De cette grande salle, on passe dans celle de Diane (salon de Diane). Cette déesse est peinte au milieu du plafond. Quatre grands lustres d’argent et quatre chandeliers de même matière, posés sur des guéridons, sont aux angles d’un billard couvert d’un grand tapis trainant à terre, de velours cramoisi, garni d’une frange d’or au bas. Quatre formes du même velours galonné d’or, posées sur deux estrades couvertes de tapis de Perse réhaussés d’or et d’argent, servent aux dames quand elles veulent s’asseoir pour regarder jouer au billard. Quatre caisses d’orangers d’argent, posées sur des bases de même matière, et quatre girandoles d’argent portées par des guéridons dorés sont aux côtés des formes. Une grande cassolette, quatre grands vases et quatre plus petits parent le bord de la cheminée, et deux chenets d’argent son au foyer.
La salle de Vénus (salon de Vénus) suit celle de Diane. On la voit dans le milieu du plafond, couronnée par les Grâces. Quatre tableaux carrés accompagnent ce milieu, et représentent des héros que l’Amour a portés aux grandes actions. Cette salle est d’un très beau marbre. Dans une niche, entre deux portes, est une statue du Roi en relief, vêtu à la romaine. Elle est de M. Varin. Deux grands lustres d’argent pendant sur deux foyers ; huit girandoles de cristal, portés par des guéridons dorés, éclairent les quatre coins de la salle. Les portières et les tabourets sont de velours vert galonné d’or. Cette salle étant destinée à la collation, on voit tout autour plusieurs tables sur lesquelles elle est dressée. Ces tableaux sont couverts de flambeaux d’argent, et de corbeilles de filigrane, rondes, longues et carrées. Les fruits crus, les citrons, les oranges, les pâtes et les confitures sèches de toutes sortes, accompagnés de fleurs, les remplissent en pyramides. Comme toute cette collation n’est servie que pour être entièrement dissipée, elle demeure exposée pendant les quatre heures que durent les divertissements, et chacun choisit et prend soi-même, ce qui est le plus de son goût.
On entre ensuite dans un salon où sont dressés les buffets (salon de l’Abondance). Des bas-reliefs, représentant l’Abondance, sont au-dessus de la porte de marbre. La tapisserie, les portières et les tabourets sont de la même richesse que dans la salle de Vénus. Huit bustes de porphyre, posés sur des scabellons de même matière, sont aux côtés des portes et de la fenêtre. Plusieurs guéridons, or et azur, qui portent des girandoles, éclairent ce salon, aussi bien qu’un lustre d’argent qui pend au milieu. Trois grands buffets sont aux trois côtés du même salon. Celui du milieu, au-dessus duquel on voit une grande coquille d’argent, est pour les boissons chaudes comme le café, le chocolat… Les deux autres buffets sont pour les liqueurs, les sorbets et les eaux de plusieurs sortes de fruits. On donne de très excellent vin à ceux qui en souhaitent, et chacun s’empresse à servir ceux qui entrent dans ce même lieu ; ce qui se fait beaucoup d’ordre et de propreté.
Chacun se présente à l’heure marquées pour être reçu dans ces superbes appartements. Cela procure l’avantage d’y voir aisément le Roi, et d’y être vu. Cependant, Sa Majesté, qui veut donner du plaisir à sa Cour, ne veut pas qu’elle l’achète par l’embarras de la faute, toujours presque inévitable dans les grandes fêtes. La volonté du Roi étant connue, il n’est plus besoin d’avoir quantité de gardes comme autrefois, et aucun ne se présente qu’il n’ait eu auparavant que l’entrée lui est permise.
Le duc d’Aumont, premier gentilhomme en année, qui sait les intentions du Roi, les fait observer avec grand ordre.
Tous ceux qui ont le bonheur d’entre dans ces magnifiques lieux, s’attachent à mesure qu’ils entrent, aux plaisirs qui les touchent d’avantage. Les uns choisissent le jeu et les autres s’arrêtent à un autre. D’autres ne veulent que regarder jouer, et d’autres que e promener pour admirer l’assemblée et les richesses de ces grands appartements. La liberté de parler y est entière, et l’on s’entretient les uns les autres selon qu’un se plait à la conversation. Cependant le respect dans lequel chacun se tient, fait que personne ne haussant trop la voix, le bruit qu’on entend n’est point incommode.
Le Roi, la Reine et toute la Maison Royale descendent de leur grandeur pour jouer avec plusieurs de l’assemblée qui n’ont jamais eu un pareil honneur.
Le Roi va tantôt à un jeu, tantôt à un autre. Il ne veut ni qu’on se lève, ni qu’on interrompe le jeu qu’il approche. Sa présence console ceux qui perdent, et ceux qui gagnent ont tant de plaisir en le voyant qu’ils oublient même leur gain, pour donner leurs pensées à la gloire qu’ils reçoivent.
Lorsque le Roi fait l’honneur aux joueurs de prendre partie parmi eux, et qu’on est obligé de jeter ses regards en plusieurs endroits pour le démêler de la foule.
Lorsque l’on est las d’un jeu, l’on joue à un autre. On entend ensuite la symphonie, ou l’on va danser. On fait conversation ; on passe dans la chambre des liqueurs, ou à celle de la collation. Personne ne s’embarrasse en servant, parce qu’il n’y a que le nombre suffisant pour servir.
On y voit ceux qui servent, sans qu’on s’imagine qu’ils soient mis là pour servir, puis qu’ils ont tous des justaucorps bleus, avec des galons d’or et argent. Ils sont derrière toutes les tables des joueurs, et ont soin de donner des cartes, des jetons et les autres choses dont on peut avoir besoin. Même selon les jeux où l’on joue, ils épargnent aux joueurs la peine de compter, comme au trou-madame, où ils calculent les points qu’on fait et les écrivent. Ce service se fait sur l’ordre et par les soins de M. Bontemps, premier valet de chambre du Roi.
La présence du Roi fait perdre aux jureurs l’habitude de jurer, et aux piqueurs celle de se servir d’insultes pour gagner.
Louis XIV n’a pas voulu s’arrêter au seul divertissement, il en a fait une fête, mais une fête avec de l’ordre, ce qui n’avait jamais été vu, une fête où se présentent seulement ceux à qui l’entrée en est permise.
On y voit un billard accompagné de vingt-quatre formes de velours vert à frange d’or.
On passe ensuite dans le bout de la galerie qui est découvert, parce qu’il est achevé. Ce que l’on voit fait assez juger quel sera ce merveilleux ouvrage où M. Le Brun peint dans la voûte de l’Histoire du Roi. Des glaces font de fausses fenêtres vis-à-vis des véritables, et multiplient un million de fois cette galerie, qui paraît n’avoir pas de fin.
Huit brancards d’argent portant des girandoles font entre quatre caisses d’orangers d’argent portés par des bases de même métal, et garnissent l’entre-deux des fenêtres ; et huit vases d’argent accompagnent les brancards qui sont aux côtés des portes. Quatre torchères dorées portent dans les angles de grands chandeliers d’argent. Huit girandoles d’argent sont sur des guéridons dorés, posées au milieu des fenêtres de glace. Aux bouts pendent deux lustres d’argent à 8 branches. Les tabourets sont de velours vert, entouré d’une bande de brocard d’or, avec une frange de même.
Le salon (salon de la Guerre), qui suit la galerie, est de marbre enrichi de trophées en relief doré. Le Roi à cheval, grand comme le naturel, est en relief sur la cheminée. Huit grands brancards d’argent portent des chandeliers de deux pieds. Deux vases, de même hauteur, accompagnent chaque brancard, et garnissent les entre-deux des fenêtres et des portes. On voit dans les angles des vases d’argent posés sur quatre guéridons or et azur. Un grand chandelier d’argent, à huit branches, pend au milieu de ce salon ; et au-dessous, il y a un foyer d’argent de deux pieds de haut, sur trois et demis de diamètre.
De ce salon, on entre dans la Chambre du Trône (salon d’Apollon), dont la tapisserie est d’un velours cramoisi, enrichi d’un gros galon d’or. La table, les guéridons, la garniture de cheminée et le lustre sont d’argent. Au fond de la chambre s’élève une estrade couverte d’un tapis perse à fonds d’or, d’une richesse et d’un travail particulier. Un Trône d’argent, de huit pieds de haut, est au milieu. Quatre enfants, portant des corbeilles de fleurs, soutiennent le siège et le dossier, qui sont garnis de velours cramoisi, avec une campane d’or en relief. Sur le haut du ceintre qui forme le dossier, Apollon est en pied, ayant une couronne de lauriers sur la tête et tenant sa lyre. La Justice et la Force sont assises. Le dais est de même que la tapisserie. Aux deux côtés du Trône, sur l’estrade, deux scabellons d’argent portent des carreaux aussi de velours. Aux deux angles sont posés des torchères de huit pieds de haut. Quatre girandoles, portées par des guéridons d’argent de six pieds de haut, parent les quatre coins de la Chambre. Un « David » du Dominicain est à la droite du Trône. On voit à la gauche un Thomiris qui trempe la tête de Cyrus dans le sang. Elle peinte par Rubens. Dans les côtés, on a mis quatre grands tableaux de Guide, des Travaux d’Hercule, Apollon est, dans le milieu du plafond, entouré des Saisons et des Mois. Quatre tableaux cintrés par le haut accompagnent le rond. Sur les portes sont deux tableaux du Van Dick, l’un représente le Prince Palatin et son frère ; et l’autre, une vierge, un David, et une Magdeleine. C’est dans cette Chambre que le Roi donne audience aux ambassadeurs. Elle est destinée pour la musique et pour la danse, dans les trois jours qui sont nommés « jour d’Appartement ».
Après la Chambre du Trône, on voit celle de Mercure (salon de Mercure) où est le lit. Ce dieu paraît au haut du plafond dans un char trainé par des coqs. La tapisserie est pareil à celle de la Chambre du Trône. Le lit de même étoffe et de même est entouré d’une grande campane d’or en relief, et doublé d’or plein. Quatre pommes blanches et couleur de feu, garnies de grandes aigrettes blanches, sont au-dessus des piliers. Les fauteuils, les tabourets, les pores et les paravents sont comme la tapisserie. Une Assomption et un Saint-Sébastien, d’Annibal Carrache, parent le fond de l’alcôve. Au côté droit prend une musique de Dominiquain, et au gauche une Vierge du Titien. Sur les portes, on voit deux portraits de Van Dick. Une balustrade d’argent sur laquelle posent huit chandeliers de même matière entourent l’estrade, qui est de marqueterie. Deux scabelons d’argent portent, dans les angles, deux cassolettes. Quatre bassins d’argent, avec des bassins, portent aux côtés de la cheminée, et à l’opposé des vases de deux pieds et demi. Deux chenets d’argent parent le foyer. La corniche de la cheminée est enrichie de vases, et de cassolettes de même matière. Un très grand lustre d’argent à six branches, portant chacune trois bougies, pend au milieu de la chambre. Entre les fenêtres, au-dessus d’une grande table, on voit un miroir. La table est garnie d’une grande corbeille et quatre chandeliers, deux grands et deux petits. Aux deux côtés sont des girandoles à sept branches, portées par des guéridons, posés sur des brancards ; le tout d’argent. Une table pentagone, une carrée et une en triangle sont dans le long de la chambre et servent pour le jeu du Roi, de la Reine et de la Maison Royale ; quoique ces tables soient marquées pour eux, ils ont la bonté de se mêler avec tous ceux qui jouent dans les chambres suivantes.
Après la chambre de Mercure, on trouve celle de Mars (salon de Mars), choisie pour l’assemblée des joueurs. Six portraits du Titien sont sur les quatre portes, et sur deux cabinets de marqueterie. Six groupes de figures d’argent, quatre statues, et quatre Buires de même métal ornent les deux cabinets. Deux cuvettes d’argent en ovale portent des vases et quatre sceaux les accompagnent. Quatre grands buires sont aux angles, et deux grands lustres, le tout en argent, pendent aux deux bouts de la chambre. Deux grands miroirs, avec des bordures d’argent à cartouche, sont au-dessus de deux tables, sur lesquelles posent deux grandes corbeilles, quatre grands chandeliers et quatre petits aussi d’argent ainsi que les tables. Des girandoles portées par quatre guéridons de même richesse accompagnent ces deux tables, et parent les entre-deux des fenêtres. Des chenets et des vases d’argent ornent la cheminée ; au-dessus de laquelle on voit un tableau de Paul Véronèse, représentant la Sainte-Famille. Au côté droit est un grand tableau où Paul Véronèse a peint Notre Seigneur avec des pèlerins d’Emmaüs. De l’autre côté, on voit la famille de Darius aux pieds d’Alexandre, tableau de M. Le Brun. Un trou-madame de marqueterie, posé sur une table de velours vert, entouré de pentes de velours cramoisi à frange d’or, est au milieu de la chambre. Une table carrée, quatre en triangle et six à pans sont autour. Elles sont couvertes de velours vert, galonné d’or et garnies de flambeaux d’argent à tous les angles posés sur de petits guéridons. On jour sur ces tables de jeux de cartes, ainsi qu’à divers jeux de hasard. La bassette et le hoca en sont bannis, la prudence du Roi l’ayant ainsi jugé à propos pour le bien de ses sujets. On voit encore dans la même chambre des tables pour plusieurs autres jeux nouvellement inventés, et qui selon toutes les apparences n’ont pas de quoi engager les joueurs à se servir d’une adresse qui n’est pas permise pour gagner.
De cette grande salle, on passe dans celle de Diane (salon de Diane). Cette déesse est peinte au milieu du plafond. Quatre grands lustres d’argent et quatre chandeliers de même matière, posés sur des guéridons, sont aux angles d’un billard couvert d’un grand tapis trainant à terre, de velours cramoisi, garni d’une frange d’or au bas. Quatre formes du même velours galonné d’or, posées sur deux estrades couvertes de tapis de Perse réhaussés d’or et d’argent, servent aux dames quand elles veulent s’asseoir pour regarder jouer au billard. Quatre caisses d’orangers d’argent, posées sur des bases de même matière, et quatre girandoles d’argent portées par des guéridons dorés sont aux côtés des formes. Une grande cassolette, quatre grands vases et quatre plus petits parent le bord de la cheminée, et deux chenets d’argent son au foyer.
La salle de Vénus (salon de Vénus) suit celle de Diane. On la voit dans le milieu du plafond, couronnée par les Grâces. Quatre tableaux carrés accompagnent ce milieu, et représentent des héros que l’Amour a portés aux grandes actions. Cette salle est d’un très beau marbre. Dans une niche, entre deux portes, est une statue du Roi en relief, vêtu à la romaine. Elle est de M. Varin. Deux grands lustres d’argent pendant sur deux foyers ; huit girandoles de cristal, portés par des guéridons dorés, éclairent les quatre coins de la salle. Les portières et les tabourets sont de velours vert galonné d’or. Cette salle étant destinée à la collation, on voit tout autour plusieurs tables sur lesquelles elle est dressée. Ces tableaux sont couverts de flambeaux d’argent, et de corbeilles de filigrane, rondes, longues et carrées. Les fruits crus, les citrons, les oranges, les pâtes et les confitures sèches de toutes sortes, accompagnés de fleurs, les remplissent en pyramides. Comme toute cette collation n’est servie que pour être entièrement dissipée, elle demeure exposée pendant les quatre heures que durent les divertissements, et chacun choisit et prend soi-même, ce qui est le plus de son goût.
On entre ensuite dans un salon où sont dressés les buffets (salon de l’Abondance). Des bas-reliefs, représentant l’Abondance, sont au-dessus de la porte de marbre. La tapisserie, les portières et les tabourets sont de la même richesse que dans la salle de Vénus. Huit bustes de porphyre, posés sur des scabellons de même matière, sont aux côtés des portes et de la fenêtre. Plusieurs guéridons, or et azur, qui portent des girandoles, éclairent ce salon, aussi bien qu’un lustre d’argent qui pend au milieu. Trois grands buffets sont aux trois côtés du même salon. Celui du milieu, au-dessus duquel on voit une grande coquille d’argent, est pour les boissons chaudes comme le café, le chocolat… Les deux autres buffets sont pour les liqueurs, les sorbets et les eaux de plusieurs sortes de fruits. On donne de très excellent vin à ceux qui en souhaitent, et chacun s’empresse à servir ceux qui entrent dans ce même lieu ; ce qui se fait beaucoup d’ordre et de propreté.
Chacun se présente à l’heure marquées pour être reçu dans ces superbes appartements. Cela procure l’avantage d’y voir aisément le Roi, et d’y être vu. Cependant, Sa Majesté, qui veut donner du plaisir à sa Cour, ne veut pas qu’elle l’achète par l’embarras de la faute, toujours presque inévitable dans les grandes fêtes. La volonté du Roi étant connue, il n’est plus besoin d’avoir quantité de gardes comme autrefois, et aucun ne se présente qu’il n’ait eu auparavant que l’entrée lui est permise.
Le duc d’Aumont, premier gentilhomme en année, qui sait les intentions du Roi, les fait observer avec grand ordre.
Tous ceux qui ont le bonheur d’entre dans ces magnifiques lieux, s’attachent à mesure qu’ils entrent, aux plaisirs qui les touchent d’avantage. Les uns choisissent le jeu et les autres s’arrêtent à un autre. D’autres ne veulent que regarder jouer, et d’autres que e promener pour admirer l’assemblée et les richesses de ces grands appartements. La liberté de parler y est entière, et l’on s’entretient les uns les autres selon qu’un se plait à la conversation. Cependant le respect dans lequel chacun se tient, fait que personne ne haussant trop la voix, le bruit qu’on entend n’est point incommode.
Le Roi, la Reine et toute la Maison Royale descendent de leur grandeur pour jouer avec plusieurs de l’assemblée qui n’ont jamais eu un pareil honneur.
Le Roi va tantôt à un jeu, tantôt à un autre. Il ne veut ni qu’on se lève, ni qu’on interrompe le jeu qu’il approche. Sa présence console ceux qui perdent, et ceux qui gagnent ont tant de plaisir en le voyant qu’ils oublient même leur gain, pour donner leurs pensées à la gloire qu’ils reçoivent.
Lorsque le Roi fait l’honneur aux joueurs de prendre partie parmi eux, et qu’on est obligé de jeter ses regards en plusieurs endroits pour le démêler de la foule.
Lorsque l’on est las d’un jeu, l’on joue à un autre. On entend ensuite la symphonie, ou l’on va danser. On fait conversation ; on passe dans la chambre des liqueurs, ou à celle de la collation. Personne ne s’embarrasse en servant, parce qu’il n’y a que le nombre suffisant pour servir.
On y voit ceux qui servent, sans qu’on s’imagine qu’ils soient mis là pour servir, puis qu’ils ont tous des justaucorps bleus, avec des galons d’or et argent. Ils sont derrière toutes les tables des joueurs, et ont soin de donner des cartes, des jetons et les autres choses dont on peut avoir besoin. Même selon les jeux où l’on joue, ils épargnent aux joueurs la peine de compter, comme au trou-madame, où ils calculent les points qu’on fait et les écrivent. Ce service se fait sur l’ordre et par les soins de M. Bontemps, premier valet de chambre du Roi.
La présence du Roi fait perdre aux jureurs l’habitude de jurer, et aux piqueurs celle de se servir d’insultes pour gagner.
Louis XIV n’a pas voulu s’arrêter au seul divertissement, il en a fait une fête, mais une fête avec de l’ordre, ce qui n’avait jamais été vu, une fête où se présentent seulement ceux à qui l’entrée en est permise.